Saint Antonin Demain

Saint Antonin Demain

Place des Moines et Aveyron (article de Dominique Perchet, janvier 2016)

Place des Moines et Aveyron :

passé, présent et avenir...

 

L'effondrement du mur de soutènement au bord de l'Aveyron a bouleversé le calendrier : la place des Moines, élément aussi central à Saint-Antonin que la place de la Halle, est devenue une priorité pour la municipalité.

Mais un effondrement, dans une zone historique à fort potentiel archéologique, n'est pas sans conséquence puisqu'il y a obligation de fouiller avant travaux. Il oblige à se poser des questions sur l'avenir de cette place dont on sait qu'elle recèle des vestiges médiévaux (c'était le cimetière des moines de l'abbaye).

Pour compliquer le tout, voici que la loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 vient se greffer sur cette question car la place est un belvédère dominant l'Aveyron.

Pour aider à s'y retrouver et se faire une opinion, voici quelques repères...

 

La place des Moines

Points forts et atouts :

Sa fonction de lieu de rencontre, de promenade dans un lieu fermé, protégé, sûr ;

Son patrimoine caché: les richesses archéologiques en partie connues mais à mettre au jour ;

Son patrimoine visible : le style thermal : salle des fêtes, place avec balustrades, escalier, ancien hôtel (cinéma)...

 

Points négatifs :

son aménagement a mal vieilli (sans parler de l'effondrement du mur) : en surface, la dalle est dégradée, la fontaine démodée (4 fontaines de cour accolées), les balustrades sont endommagées, le grand escalier monumental de 1915 bouge. La route départementale encaisse un trafic important dont beaucoup de poids lourds et forme une coupure avec le secteur nord de la cité.

 

Il faut disjoindre deux points de vue :

> La surface : qu'elle soit réaménagée fait consensus (mais après fouilles archéologiques approfondies qui sont un investissement important et qui ont un coût qu'il faut financer (par une recherche de mécénat ?). Sur le contenu du programme, le débat est à mener pour concilier les différentes fonctions de cette place (place à vivre, site archéologique...)

 

> Le front de rivière : très apprécié, ce belvédère est marqué par le thème de l'eau : l'Aveyron, les thermes. Ce patrimoine est protégé, ce qui n'interdit pas de le rénover. Ne pas oublier que ce front est aussi admiré d'en face, rive gauche (il avait été conçu pour séduire le curiste venant par le train).

 

Les chaussées : Roumégous – le Gravier dans la cadre de la directive européenne sur l'eau (DCE)

(Ces éléments concernent aussi la Bonnette).

La DCE vise à connaître les ressources en eau, définir des plans de gestion (SDAGE), bassins par bassins. L'objectif pour 2015 est le « bon état » ou « bon potentiel » des masses d'eau, afin de garantir une gestion soutenable de cette ressource vitale pour l'humanité et pour les autres espèces vivantes. Le « bon état » des masses d'eau est défini dans la DCE :

  • comme le bon état écologique et le bon état chimique pour les masses d'eau de surface
  • comme le bon état chimique et le bon état quantitatif pour les masses d'eau souterraines.

 

En France, la démarche s'est focalisée sur la continuité hydrologique : faire couler l'eau et permettre aux poissons de circuler. A cette fin, un recensement des barrages et chaussées a été entrepris et tous les obstacles à cette libre circulation doivent être soit supprimés ou aménagés au frais du propriétaire (avec plus ou moins de subventions). Dans le Tarn-et-Garonne, les opérations se font en remontant par l'aval : Bioule. Le dossier de Saint-Antonin n'est pas actuellement une priorité.

Pour le Gravier, les passes à poissons existent mais sont obsolètes. Pour Roumegous (chaussée d'environ 60 cm de haut), la proposition est de créer une échancrure (20 m selon le service de l'eau) après une étude historique (la chaussée existait déjà au moment du siège de la ville par Louis XIII) et une étude d'impact (qu'en est-il de la faune piscicole ? L'état de l'eau dépend-il de sa circulation ou des pollutions par ruissellement ? Rôle dans l'économie touristique ? Intégration dans la zone historique protégée? Que sera l'Aveyron après les travaux (voir les photos IGN de 1946) ?).

 

Cet effacement des obstacles n'est un objectif mais pas une obligation quand les barrages ont une utilité. Les barrages qui « servent » sont :

> ceux qui produisent de l'énergie : les aménagements sont des grilles pour éviter de hacher les poissons et des passes à poissons plus performantes. La charge financière incombe en partie à l'exploitant, avec des aides financières.

> L'Onema reconnaît qu'il y a des chaussées qui ont d'autres utilités, notamment patrimoniale ou économique, même si le tourisme n'est pas classé comme tel. (Rapport de l'ingénieur Malavoi publié sur le site de l'Onema). Que se passera-t-il à Albi sous le palais de la Berbie ?

 

Actuellement, les nombreux propriétaires de moulins, certaines communes, relayés par des parlementaires plaident pour un moratoire avant démolition pour des raisons financières (charge insupportable), pour des raisons d'opportunité (est-ce la seule voie pour atteindre l'objectif sachant que l'état de nature n'existe plus depuis longtemps et que la modification à venir des régimes fluviaux plaide pour le maintien de chaussées qui jouent un rôle de régulation) et pour des raisons patrimoniales (les chaussées sont souvent des objets historiques de valeur).

 

Le miroir d'eau, lien entre l'Aveyron et le patrimoine historique.

Plus particulièrement à Saint-Antonin, la brèche dans la chaussée de Roumegous entraînera

> un abaissement du niveau de l'eau, particulièrement sensible en été à l'étiage. L'Aveyron pourrait ressembler à ce qu'il est à la chaussée de Casals ou à ce qu'on devine en photo aérienne en 1946. L'accélération du flux pourrait avoir un impact sur les ressources en eau, sur les affouillements en amont et sur les berges.

 

L’inondation de 1930 a endommage? la chausse?e du moulin de Roume?gous ce qui abaissa d’environ 1,50 m le niveau de l’eau. Lors des travaux destine?s a? re?habiliter cette chausse?e, les mate?riaux pre?sents dans le lit de la rivie?re ont e?te? de?place?s vers la rive droite et le milieu du lit afin que l’eau puisse s’e?couler. Parmi eux, des e?le?ments architecturaux de l’ancienne abbaye furent de?couverts. (Rivals Thèse - note de la page 149)

 

> Rétrécir la largeur de l'Aveyron, ce qui implique de faire des rives enherbées sur les deux bords ;

> Atténuer (?) l'effet miroir, qui est lié au patrimoine historique (notamment thermal) de la cité.

 

Pour Roumegous, selon le service de l'eau, les choix possibles sont donc :

> Destruction complète (avec des aides) ;

> Création d'une brèche de 20 m au milieu pour permettre l'écoulement de l'eau et la remontée des poissons (avec des aides) ;

> Maintien de la chaussée, avec établissement d'une passe à poissons, onéreuse, avec des aides moins élevées, laissant une charge lourde à la commune. Cette dernière option permet le maintien du miroir d'eau mais c'est la moins aidée.

Il reste une dernière option ; ne rien faire (option admise implicitement par l'Onema en attendant qu'une crue mette à bas l'ouvrage, ce qui est dit pour certains ouvrages anciens, fragiles).

L'option ne rien faire (conserver la chaussée) peut être aussi un choix assumé si les études montrent qu'un seuil de 60 cm ne gêne en rien le passage des poissons migrateurs.

 

 

Options...

En attendant les diverses expertises (fouilles archéologiques prescrites ; étude sur les chaussées dont celles de Roumégous (INRAP, service de l'eau), on ne peut que lister des enjeux:

 

>  entre deux « rives » : la cité médiévale et la rive gauche. La place est entre deux ; de la rive gauche, comme cela était voulu après la 1ère guerre mondiale, la cité et la place se reflètent dans le miroir d'eau. L'escalier à double révolution est la marque d'un aménagement monumental comme cet escalier sert aussi de gradins pour voir et pour des animations estivales.

> entre haut et bas : le bas, ce sont les vestiges anciens que la fouille mettra au jour (ils sont déjà repérés en partie). Le haut, c'est la dalle aménagée où on pourra se promener, jouer, se poser sur des bancs à l'ombre (et avec une buvette ou un kiosque à boissons). Faut-il choisir ? Les cryptes archéologiques peuvent être une réponse ; les vestiges médiévaux seraient un attrait supplémentaire à condition d'être aménagés, valorisés et expliqués.

> entre monumentalité et urbanité. La monumentalité, cela peut être l'espace thermal (salle des fêtes, place et ses balustrades, la buvette, l'architecture environnante (l'ancien hôtel devenu cinéma...) ou un champ de fouilles donnant à voir les vestiges du cimetière. Ou les deux ensemble.

L'urbanité, c'est « faire société » ; un bel endroit où on se sent bien, en sécurité, où il se passe des choses : jeux d'enfants, jeux de boules, animations... où on est voyeur et acteur...

 

La place des Moines est une zone de grand enjeu pour la vie ordinaire et touristique de Saint-Antonin. Elle fait  trait d'union entre les quartiers anciens, l'eau et le Roc d'Anglars. Elle est en soi un patrimoine (thermal), elle recouvre un patrimoine très ancien qui ne demande qu'à être mieux connu. Elle mérite donc à tous ces titres une très grande attention et donc débat.

 

 

Sources :

Commission extramunicipale «  aménagement du bourg » Saint-Antonin-Noble-Val.

Service des Bâtiments de France - Montauban 

Service des eaux DDT – Montauban ;

Documentation ONEMA (office national de l'eau et des milieux aquatiques),

Documentation Parlement européen sur la DCE ;

Jean-Pierre Azéma (géographe, expert, spécialiste des moulins, du patrimoine industriel et de l’histoire des rivières - Chercheur associé au CNRS UMR 5136 Framespa/Université Toulouse Le Mirail.

Fédération des Moulins de France : http://www.fdmf.fr/

Fédération départementale de Pêche du Tarn-et-Garonne (fiches rivières)

Cécile Rivals : La construction d'une ville de confluence : les dynamiques spatiales de Saint- Antonin-Noble-Val (82) du Moyen A?ge a? la pe?riode pre?-industrielle  Thèse de doctorat  - 2015

Archives de la société des Amis du Vieux Saint-Antonin : - Robert S., « Sondages arche?ologiques sur la Promenade des Moines », BSAVSA, 1987, p. 39-51.

 

Le PLUI en cours d'élaboration ne dit rien de cette question mais aura à intégrer ces éléments et les choix faits.



16/01/2016
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